Très jeune, j’ai su que je voulais faire un métier où j’allais aider les gens, voire les sauver. Vers 10 ans, ce que j’observais c’était la solitude des gens, qu’il y avait un manque de communication. Et quand il y avait de la communication, elle était destructrice. Du coup, les gens souffraient en espérant que les choses changent, ne changeaient rien dans leur comportement, et laissaient les choses plus crispées, plus figées.
Et à 16 ans, ça devient insupportable pour moi, donc je décide de faire exploser les non-dits familiaux. Et en même temps, j’entreprends un travail sur moi, pour donner du sens aux expériences traumatiques, dans lesquelles la violence a été omniprésente, visible et invisible, dite et surtout non dite. Mettre du sens, comprendre la violence, … A l’époque, je comprends que la violence sous toutes ses formes est inacceptable, mais que la puissance de la violence est tellement insidieuse que tu te dis que c’est injuste, que tu doutes du fait que c’est juste. Je suis alors en guerre perpétuelle contre moi-même.
Les non-dits éclatent. Je prends conscience de ma capacité à aller de l’avant, à construire plutôt qu’à détruire, et c’est aussi le moment où je me rends compte que l’autre n’est pas toujours capable de m’écouter, me soutenir, me comprendre, … parce qu’il n’a pas appris.
Terrorisée à l’idée de devenir comme mon père, et angoissée de devenir comme ma mère, j’entreprends un chemin pour me construire autrement qu’eux. Je deviens mère de 3 enfants et j’expérimente concrètement une autre manière de gérer les désaccords. Me construire comme mère me permet d’accéder à une vulnérabilité, une forme de fragilité dans laquelle la force de l’amour prend toute sa place.
Après ma séparation, mes repères changent. Je passe du paradigme où j’accompagne les autres
dans leurs difficultés à un paradigme où ils se sortent les doigts du cul et ils se démerdent.
Je ne souhaite plus sauver les gens, ni imaginer et proposer des solutions à leurs problèmes s’ils ne me le demandent pas.
Et là j’ai l’idée d’offrir des outils aux gens : ils prendront la responsabilité ou pas, tôt ou tard. Et ça m’apprend qu’il n’y a qu’eux qui décident que leur situation est suffisamment problématique pour agir. Eux choisissent s’ils appliquent ou pas les outils. Leur choix.
Et je me réconcilie avec la colère. Ma colère ! Cette acceptation a été le symbole que les conflits pouvaient être résolus de manière positive, si pas pour la relation, au moins pour soi.
Je prends conscience que les conflits sont omniprésents mais que c’est surtout la manière dont nous les vivons qui importe, qui laisse ou non des traces dans nos relations …
Et là, c’est comme pour le reste, je découvre que l’être humain est doué de compétences d’apprentissage et que lui apprendre à communiquer, à s’affirmer, à dire non, à gérer l’agressivité, c’est POSSIBLE, et même mieux çA FONCTIONNE !
Ce qui me fait vibrer, c'est que l'adolescence est un moment où les montagnes russes émotionnelles donnent l'envie de prendre des risques, de créer, de se confronter, presque sans peur. Tout est possible !
Les ados avec lesquels je travaille depuis plus de 15 ans sont pour moi dotés d’un terreau fertile d’apprentissage … Ils sont les adultes de demain, ils sont à l’âge où la communication avec les adultes est parfois plus complexe, voire inexistante.
D’abord au sein d'un service social, puis dans le cadre de l'insertion socio-professionnelle, j'accompagne les jeunes et je réalise que mon objectif n’est pas de garder une saine distance avec les ados avec lesquels je travaille. Mais d’établir un réel lien avec eux.
Depuis plus de 15 ans, j’accompagne des jeunes « créatifs en bonne santé », qui ne trouvent pas leur place, dans l’école, la famille, la société. L’expérience que j’en tire c’est que quand je leur donne des outils ou d’autres manières de voir le conflit, ils sont preneurs, ils expérimentent, ils testent, et ils en sortent grandis !
Formatrice, ça a d’abord été pour moi sortir de ma zone de confort : apprendre beaucoup de choses, encore, sur la communication, les émotions, les jeux de pouvoir.
C’est donner aux autres des outils, dans la bienveillance et l’humour, dans un cadre clair et sécurisant.
C’est voir les gens avoir des prises de conscience et l’envie de bouger, de changer l’équilibre actuel.
C’est expérimenter pour être mieux avec soi et avec les autres …